Nodoxe°° à travers le témoignage de Gabriel/Zeta entend briser vos idées reçues sur les travestis. On comprendra alors que l’identité sexuelle n’est pas binaire, que la société moderne occidentale n’a de cesse de créer des catégories rigides pour y classer les individus et les rapports qui les unissent mais que ces frontières ne résistent pas au besoin d’affirmation de sa singularité, de son identité personnelle et de ses désirs aussi. On se désolera de constater que la différence fait toujours l’objet de discriminations. Enfin, on regrettera la persistance de nombreux tabous trop souvent alimentés par la catégorie ‘hétérosexuelle’ et d’une société qui s’est déterminée sur des valeurs, des moeurs et des codes sans doute pour les transgresser, mais toujours avec une certaine culpabilité….
Qu’est-ce que le travestissement?
Nous nous intéressons ici aux hommes qui se travestissent en femme. Les travestis peuvent être homosexuels, hétérosexuels ou bisexuels. Se travestir en femme signifie porter des vêtements, de la lingerie, des accessoires et du maquillage de femme tout en ayant ou pas les attitudes, la gestuelle caractéristiques de femmes particulièrement maniérées (toutes les femmes n’étant pas maniérées!).
Certains hommes vont se travestir dans leur vie au quotidien, en journée, le soir. Ils sont rares.
D’autres préfèrent prendre l’apparence de femme, la nuit et fréquenter les soirées ou les clubs réservés aux travestis et aux transsexuels. En journée, en famille ou au travail, ils portent un vestiaire masculin.
ll existe également des hommes qui expriment la composante féminine de leur personnalité en portant de la lingerie ou des habits de femme, dans le strict cadre d’une relation intime avec une autre femme.
Enfin, certains travestis, les transsexuels, décident de se transformer en femme grâce à la chirurgie, les traitements hormonaux, les cours de d’orthophonie….etc.
Le travestissement a ses codes et ses lieux lesquels, dans l’imaginaire collectif, appartiennent à un autre monde, éloigné des vies bien rangées que beaucoup brandissent comme un étendard de normalité, de conformisme et de convenances aussi.
Mais, méfiez vous des apparences! ces deux mondes se côtoient bien plus qu’on ne le soupçonne. La nuit, les carcans volent en éclat…
Gabriel est homosexuel et travesti. Gabriel le jour, Zeta la nuit, elle exalte sa féminité dans les soirées de travestis/transsexuels de Paris .
Gabriel, comment définir votre identité?
Très jeune, j’étais très efféminé. Je me sentais plus fille que garçon. J’avais une apparence androgyne, une voix de fille et les adultes me confondaient souvent avec une petite fille. A l’école, mes camarades m’appelaient la ‘fille/garçon’.
Mais, les moqueries me laissaient indifférent. Pourquoi? parce que je me suis toujours sentie femme, je savais que je n’étais pas comme les autres garçons. Je me suis donc forgée une carapace qui m’a protégée et me protège encore aujourd’hui des railleries et des attaques des autres.
Par contre, dans ma famille, on m’a accepté tel que j’étais, sans vouloir me changer et on m’a même laissé jouer aux poupées!
Et puis, je n’ai même pas eu besoin d’observer et de copier les attitudes des femmes, je les avais naturellement en moi. Par contre, enfant, je ne m’étais jamais habillé en fille.
Adolescent, lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la couture (puis à en faire mon métier plus tard), je faisais moi-même les premiers essayages des robes que je confectionnais pour mes soeurs. Ma mère remontait devant mes soeurs, mon père, mes oncles, les fermetures éclair des robes que j’essayais. Personne n’était choqué!
En résumé, je me suis toujours sentie femme dans un corps androgyne.
Comment la décision de se travestir est apparue dans votre vie d’adulte?
Je vivais à l’époque, il y a 5 ans (j’avais 25 ans), une rupture sentimentale difficile et je ressentais le besoin de me redécouvrir.
J’ai été initié par un de mes amis homosexuels, très tenté par le travestissement mais qui n’arrivait pas à se lancer tout seul. Il m’a alors proposé un soir de sortir dans une soirée de travestis/transsexuels et j’ai accepté. Nous sommes allés un peu plus tôt faire des courses et acheter des perruques et des robes tandis qu’une de nos amies nous a prêté ses talons hauts perchés. Heureusement qu’elle chaussait du 41…
Mais je trouvais mon corps trop masculin parce qu’ après mon adolescence, j’ai commencé à faire beaucoup de musculation et mes épaules et bras étaient particulièrement volumineux. Mon ami m’a alors conseillé d’arrêter le sport et en attendant que les muscles soient moins saillants, de porter des habits qui camoufleraient ce corps devenu trop viril.
Depuis, je me travestis la nuit, une fois par semaine, dans les soirées travestis/transsexuels.
Comment s’exprime votre féminité ? y a t’il une part masculine de votre identité?
Je peux être toute nue et féminine, je l’ai en moi, c’est inné. Les habits ne sont que des accessoires pour moi. Un garçon viril avec des habits de femme restera viril. Je n’arrive pas à l’expliquer. Mon corps ne fait que suivre mon esprit.
Je me sens proche des femmes, tout naturellement et je les comprends. Et, dans la vie , je me place toujours du côté des femmes et jamais des hommes.
Non, il y a rien de masculin en moi à part mon anatomie masculine et mes habits d’homme qui ne font que cacher ma féminité.
Est ce que votre corps masculin vous gêne?
J’aurais été plus heureux dans un corps de femme….
Je pense que si j’étais né en Europe, mes parents m’auraient aidé à changer mon corps. C ‘est un long processus de transformation physique et psychologique qui pour moi aurait dû commencé plus tôt, durant mon adolescence. C’est trop tard aujourd’hui! donc j’accepte mon corps même si je ne me sens pas totalement pas accompli dans mon apparence féminine.
La musculation que je faisais est malheureusement toujours visible au niveau de ma carrure. Lorsque je me déshabille, on me demande si je fais du sport alors que j’ai arrêté depuis 5 ans! Et je ne le prends pas comme un compliment lorsque je suis travesti! Vous voyez, je voudrais porter des robes dos nu par exemple mais je ne peux pas le faire à cause de mon dos… quel dommage!
Donc, je regrette d’avoir musclé autant mon corps et surtout d’avoir voulu quitter pendant un temps mon corps androgyne et de l’avoir virilisé pour plaire aux autres hommes homosexuels.
Je pourrais prendre des hormones pour casser mes muscles mais ma poitrine pousserait et je ne suis pas prêt à être transsexuel. Je n’y vois que des inconvénients d’ailleurs….
Pourquoi? à quel point est-ce compliqué d’être un transsexuel à Paris?
Les transsexuels ne peuvent pas travailler comme tout le monde et avoir une vie professionnelle ‘normale’donc beaucoup de se prostituent parce qu’ils n’ont pas d’autres choix, la prostitution s’impose à elles. Une vie de prostitution et de drogue, d’alcool, le bois de Boulogne… non, je n’en veux pas!
Celles que je connais ont des vies très difficiles. Certaines se suicident. Vous voyez, elles sont rejetées par leur famille, par leurs amis et les hommes qui les fréquentent en font des objets sexuels. Personne ne veut les épouser.
Il faut savoir aussi qu’un homme qui devient une femme a de fortes chances de perdre son travail et son logement.
Moi, je travaille à mon compte dans la mode et la couture, chez moi mais mes clientes ne m’ont jamais vu en femme! Si elles me voient en trans. elles risquent d’être choquées et de partir en courant!
Oui, mais si le transsexuel après son opération change d’employeur, personne ne se doutera de son passé et elle sera considérée comme une femme?
Non! il reste un problème de papiers d’identité : si vous vous transformez en femme et que vous ne changez pas votre prénom et ni votre sexe sur votre pièce d’identité, vous risquez évidemment d’avoir des problèmes avec votre futur employeur. Le changement d’état civil est un long processus administratif que des transsexuels ne veulent pas toujours faire. Et si vous êtes de nationalité étrangère avec une carte de séjour, c’est encore plus compliqué voire impossible selon le pays d’origine!
Par contre, celles qui ont changé de sexe et d’état civil ont des vies un peu moins difficiles au sein de la société….
Finalement, c’est plus simple d’être travesti. Personne, durant la journée ne le devine. Vous travaillez comme tout le monde et la nuit, vous vous travestissez!
Y a t’il différents styles de travestissement?
Il y a trav. et trav. C’est du théâtre, des choses à outrance souvent, du maquillage exagéré parfois. Ceux là ne savent pas se mettre en valeur, en font trop, portent n’importe comment tous les accessoires de la femme en même temps. Je les appelle les camionneuses. Elles pensent être féminines mais ne le sont pas du tout. On voit l’homme en elles. Je pense notamment à certains hommes hétéros qui se travestissent.
Les trans. et certains travestis sont plus raffinés. Ils se maquillent discrètement, mettent des robes sexy, de jolis collants, de belles perruques, des chaussures à talon…
Qu’est ce que cela vous apporte d’être une femme, le temps d’une soirée seulement?
Je me sens femme sans mes habits de femme de toutes façons!
Et puis, je vous le disais c’est plus simple d’être travesti le temps d’une soirée.
J’aime le côté festif de ma vie, de la nuit. Je deviens aussi une grande séductrice. Cela me donne beaucoup d’assurance. Et, ça me suffit!
Lorsque je sors avec mes copines travestis , je suis la meneuse du groupe. Je les domine, j’ai un ascendant sur les hommes qui cherchent à me séduire lorsque je suis en femme. Je me sens comme une reine!
Et pourtant, en homme je ne suis pas du tout comme cela…
En femme, les hommes me rendent belle dans leur manière de me regarder, de me parler, de me toucher. Et c’est cela aussi qui me donne ce pouvoir.
Qu’est ce que les femmes ont à apprendre des hommes travestis?
Les hommes qui nous draguent le font parce qu’ils nous trouvent très féminines et sont attirés par tant de féminité. Pourquoi? parce que leurs femmes sont moins féminines que nous. Vous voyez, beaucoup de femmes ne se mettent pas en valeur, elles se laissent aller. Avec un peu plus de féminité dans leur apparence et leur attitude, les femmes ne se rendent pas compte du pouvoir qu’elles pourraient voir sur les hommes.
Comment les hommes vous perçoivent, sans votre travestissement?
Je ne me pose pas la question et je ne veux pas savoir….cela me laisse indifférent.
Dans les boutiques, les hommes me disent ‘Bonjour Mademoiselle euh pardon Monsieur….à la voix j’ai cru que vous étiez une femme’ Je n’aime pas cela particulièrement. Je me sens flattée uniquement quand je suis en femme. Chaque chose est à sa place. Je ne veux pas mélanger ma vie de travesti avec mon autre vie.
Est ce qu’il y a conflit entre vos deux vies?
Non, je sais ce que je veux. Il n’ y a pas de conflit. Je suis bien tel que je suis.
Encore une fois, je ne veux pas changer de sexe sauf si je gagne des millions ou je me marie à un homme qui m’entretiendra. Et surtout, je n’ai pas envie de faire le trottoir!
La perspective dans la société actuelle, d’être un travesti, ne m’enchante pas du tout.
Ma double vie me convient, me plait.
Où est ce que les travestis se retrouvent le soir, à Paris?
Il y a des soirées spéciales pour travestis/transsexuels : la soirée Escualita à Pigalle, la soirée Drôle de Dames dans le 18ème, la MDT (Maison des Travestis) dans le 17ème et les clubs échangistes qui organisent des soirées pour les trans/trav . On associe toujours les deux même si elles se détestent! Les trav. reprochent aux travestis de ne pas être de vraies femmes…
Qui fréquentent ces soirées? les homosexuels? les hétérosexuels?
Non! les homosexuels préfèrent les hommes virils et ne sortent pas les soirées trans/trav. Nous, nous sommes trop féminines à leur goût. Ils nous critiquent, dénigrent notre féminité et nous reprochent de donner une mauvaise image des homosexuels.
Dans les clubs échangistes, on trouve des couples hétérosexuels, des hommes seuls hétérosexuels/bisexuels et des femmes bisexuelles.
Il faut savoir aussi que certaines femmes bisexuelles aiment avoir des relations avec des travestis homosexuels ou des transsexuels. Par contre, elles ne sont pas toujours intéressées par les travestis hétérosexuels que j’appelle les camionneuses et qui ne sont donc pas assez féminines à leur goût.
A la soirée Escualita, il y a majoritairement des hommes hétérosexuels mariés, (accessoirement avec enfants!) qui viennent et nous draguent. Ils cachent bien leur jeu vous savez, les hommes qui ont de grandes responsabilités notamment…. Ils aiment notre féminité et ce qui reste en nous de masculin dans notre corps…
Hum… bon…. la suite de cette interview est censurée…. désolée chers lecteurs nous ne partagerons pas avec vous la suite des échanges avec Zeta. Mais par email, par téléphone (téléphone fixe de préférence), via une conversation privée, nous pourrions peut être l’envisager.
M.Wong°°
Pour votre curiosité, un mini documentaire sur les travestis au cinéma : http://cinema.arte.tv/fr/les-travestis-au-cinema
daborasse
Vive la vie! Vive la liberté! Vive la sexualité assumée! Vive le libre arbitre! Vive notre corps! ( c’est tout ce que nous possédons). Vive Zeta! Vive Wong…zut…non…vive Mino Wong!